Avant de commencer
Si vous n'avez pas lu le livre de la Vie d'Oyasama, il est difficile de comprendre de quoi je parle ici. Contactez-moi pour vous en procurer. Ces commentaires sur la Vie d'Oyasama ont été succesivement publiés sur papier depuis novembre 2011. Mais je continue la suite ici sur ma page d'internet. Ainsi, tout ce qui est écrit ici est mon interprétation personnelle mais elle est fondée sur la doctrine authentique enseignée au Japon.
I, le sens de ses premiers quarante ans
2. Avant le mariage
A une simple lecture des pages 7 et 8 de La Vie d’Oyasama, vous comprendrez sans peine que Miki était une fille adorable. D’après ces descriptions, elle paraît tellement bonne et parfaite que l’on se croit incapable d’avoir autant de qualités. Cependant, comme le disait le deuxième Shimbashira, malgré ses portraits respectables, il y a beaucoup d’autres enfants aussi appréciables qu’elle(1). Il ne faudrait pas trop l’embellir de belles images d’enfance. Je crois bien que la petite fille aimable avait aussi ses défauts.
Sur le plan éducatif, Miki, née le 18 avril 1798, apprit la calligraphie avec son père dès l’âge de sept ans(2) puis alla étudier la lecture, l'écriture et le calcul, de neuf à onze ans, dans une école privée(3). Ce fut sa seule période scolaire. Grandie dans une famille aisée ayant même certains privilèges des riches(4), elle eut certainement la chance de suivre l’éducation même basique, ce qui n’était pas forcément le cas pour les enfants de la famille paysanne surtout pour les filles à l’époque. Du moins, il serait préjudiciable de supposer que les acquis intellectuels l’avaient amenée à révéler plus tard l’Enseignement universel.
Dans sa région de Yamato, les habitants, majoritairement agriculteurs, ne furent pas vraiment appliqués dans les études qui firent selon eux négliger la profession familiale(5). La cotonnerie était une des industries principales. Au lieu de mettre les enfants à l’école, on leur apprenait à douze ou treize ans le métier à tisser adapté aux enfants. Miki aurait déjà su le manipuler à huit ou neuf ans(6). Elle était habile de ses mains.
Les histoires et religions sont de longue date en Yamato(7). Les habitants sont fiers de son ancienneté et conservent bien les valeurs antiques. Revers de la médaille : cette contrée reculée n’aurait pas favorisé Miki de bien découvrir un monde éveillé au cours de l’agitation nationale du XIXe siècle. Elle n’a pas été bien placée pour étonner ses contemporains par la création d’une valeur novatrice.
Quant à sa foi au bouddhisme, elle avait appris par cœur et récité les psaumes de la Terre Pure (jôdo)(8) à force de les entendre dans sa famille très pieuse(9). Elle devait alors avoir douze ou treize ans. À l’époque, bien que déclinants, beaucoup de cultes d’antan étaient fort présents dans cette zone rurale(10). Elle gardait toujours cette sensibilité religieuse, si bien qu’elle demanda, lors de son mariage, à la future belle-famille de tolérer la récitation des sutras la nuit. Fut-ce une fille extraordinaire en matière de culte ? Bien que les religions n’intéressassent pas les jeunes enfants de l’époque comme nos adolescents contemporains(11), il n’est pas difficile d’imaginer qu’il y avait tout de même de jeunes pratiquants comme Miki. On peut probablement mettre sa ferveur confessionnelle sur la place centrale pour cause du Temple de Tsukihi, mais a-t-elle déclenché la Révélation du 26 octobre 1838 ?
En conséquence, la nature de Miki semble une condition nécessaire pour être le Temple de Tsukihi mais pas forcément celle suffisante. C’est-à-dire, son caractère inné, bonifié par son âme prédéterminée, aurait été indispensable pour qu’elle incarne le Temple de Tsukihi mais il n’aurait pas rempli toutes les exigences à lui tout seul.
De toute manière, il est évident que Miki n’avait pas conscience d’assumer le statut du Temple de Tsukihi. Cependant, à défaut de la négation de soi, elle fut inéluctablement amenée à une telle issue. Il y eut une belle entente entre conscience et inconscience. En toute connaissance de cause ou à son insu, elle savait quoi faire et prît sur elle ce qui lui semblait demandé.
Son portrait ainsi esquissé, elle apparaît passive et en même temps dans la réaction. Fidèle à ses parents, est-ce qu’elle était moins autonome ? Certainement que l’époque ne lui permettait pas de vivre et de s’exprimer d’une manière aussi indépendante que les filles de nos jours. Néanmoins, cela ne signifie pas qu’elle a dépassé son identité. Si elle assumait ses responsabilités en tant que fille aînée d’une riche famille et gardait une bonne relation avec ses parents, son entourage et ses voisins, elle aurait pu se livrer à tout le monde sans complexe. Elle était consciente des devoirs à accomplir, mais cela avait été dans l’inconscience qu’elle ne se refusait pas ce que sa nature lui demandait. Il pourrait y avoir chez elle la fusion entre la tâche et l’envie et la cohérence entre le fait et le souhait. Elle n’aurait pas été déchirée entre deux sentiments contraires. Lorsqu’elle doit faire quelque chose, elle en a envie. Un conseil contraire lui en ôtera l’envie. Le désir s’unifiait avec le devoir ou ce dernier s’incorporait dans le premier. Je crois qu’elle n’a pas ressenti le « devoir faire sans envie » ou le « s’en abstenir malgré le désir », même si je ne suis pas en mesure d’affirmer qu’elle était tout le temps ainsi. Aussi son autoformation spirituelle pour s’apprêter à être le Temple de Tsukihi s’est bien déroulée grâce à son âme conductrice avec laquelle elle s’accordait instinctivement sans en freiner l’épanouissement.
Quoi qu’il en soit, voilà l’image générale, pas la réalité prouvée ou démontrable, qui découle de sa vie d’enfance. Elle était pure et honnête vis-à-vis d’elle. En d’autres termes, elle s’abandonnait, me semble-t-il, à sa nature.
Or, chez les hommes, le caractère inné conditionne incontestablement leur progrès spirituel. En d’autres termes, nous ne pouvons pas acquérir d’éléments nous permettant de nous améliorer sans tenir compte des traits innés. Le rejet de soi ou l’amour excessif de soi sans en connaître les véritables fondements fera obstacle à tout développement spirituel, d’autant plus que nous ignorons parfois nos propres qualités et défauts. En ce sens, c’est aussi aux parents de guider leurs enfants de sorte qu’ils se sentent naturellement eux-mêmes, étant donné que les comportements des parents se répercutent inévitablement sur le développement des enfants. De ce point de vue, les parents de Miki furent de bons accompagnateurs(12).
Rappelons que l’adhésion à soi-même ne veut pas dire qu’il faut accepter inconditionnellement ce qui nous est accordé à la naissance. Ce n’est ni l’acceptation aveugle ni le rejet total mais l’incarnation naturelle qui nous aide à évoluer. Étant pur, sincère et honnête vis-à-vis de soi, on peut se permettre de se remettre en question, d’analyser la réalité telle quelle tout en ayant confiance en ses points forts.
Les Hommes sont conçus pour mener une vie heureuse. En d’autres termes, il est important de nous conformer au naturel donné par le concepteur Oyagami car en cela, nous trouvons la clé du bonheur. Quand on est fidèle à son naturel, on arrive, inconsciemment et consciemment, à développer ses qualités en diminuant ses défauts. La bonne complicité entre caractère inné et qualités acquises vous amène à un état d’esprit tranquille.
En dépit du peu d’éléments exploitables, la vie d’enfance de Miki nous fait réfléchir sur l’innen — éléments déterminants de la vie — qui conduit chacun au futur heureux à moins que l’on ne veuille s’écarter de l’environnement donné sous prétexte d’être en rupture avec ce dernier. Certes, pour les enfants, il y a parfois des situations difficiles, voire injustes, des parents violents sans parler de crimes sur mineurs. Dans un cas particulièrement implacable, nous ne pouvons pas généraliser les choses et il faut trouver des solutions spécifiques. Mais dans bien d’autres cas plus ou moins ordinaires, les récriminations égoïstes sur le cadre de vie détériorent l’avenir. C’est votre grogne qui atteint le ciel . Alors les enfants n’ont-ils pas droit de râler ? Si. Ils ont de temps en temps besoin de manifester leurs mécontentements, de s’exprimer librement à condition de ne pas s’éloigner de la famille. L’important est qu’ils trouvent leur place au foyer et se sentent concernés par les affaires familiales ; les parents ont alors confiance en eux au point qu’ils ressentent un unisson spirituel.
Malgré les efforts répétés, il arrive que la famille s’entende mal. Les personnes ainsi grandissant ont du mal à pardonner à leur famille ou l’accepter en tant que telle. Or, même dans de telles circonstances, les racines de l’individu se trouvent bel et bien dans la famille native aussi bien qu’adoptive. Il est important d’identifier le soi dans la famille à n’importe quel moment de la vie, même si cela peut se passer douloureusement en constatant des problèmes récurrents de père en fils. En vue de cette identification pour quelque résultat que ce soit, il est nécessaire de réitérer la réflexion intense sur les éléments déterminants de la famille, appelés donc innen, car elle vous permettra de retrouver la source d’où s’ouvriraient de nouveaux horizons et d’assumer votre origine : il n’y a rien de négatif, il s’agit de mieux l’exploiter dans la suite de votre vie. L’enfance passe très vite mais elle est un constituant à la fois décisif et permanent dans une vie. Bien que l’enfance soit malheureuse ou ratée, il n’est jamais trop tard de l’intégrer au soi pour la transformer en force vitale une fois la clé du bonheur retrouvée au travers de l’identification au sein de la source.
La vie d’enfance de Miki était sans doute aisée par rapport à celles des enfants qui vivaient dans la misère. Cependant, le rayonnement qui éclata chez la petite fille ne demeure pas simplement dans le monde qu’elle avait côtoyé, mais il est représenté par l’incarnation de tout ce qu’elle toucha à l’intérieur et à l’extérieur d’elle. C’est cette incarnation impérissable que nous devons retenir de son enfance.
1 Nakayama Shozen, Extraits des cours du premier niveau pour le XVIe stage sur la Doctrine第十六回教義講習会第一次講習録抜粋, p.120.
2 Takano Tomoji, Epoques du vivant d’Oyasama ご存命の頃, 1971, Doyusha, p.24
3 Ce sont des écoles établies dans les temples bouddhistes d’où le nom « Terakoya (littéralement traduit en Cabane du temple) ». Voir « Eléments de référence pour la Vie d’Oyasama », p.9
4 Voir « Eléments de Référence pour La Vie d’Oyasama », p.7.
5 Takano Tomoji, idem, p.25
6 Seiichi Moroi, Seibun iin sho正文遺韻抄, p.17
7 Il est à noter que la région de Yamato comprend la ville de Nara qui fut la capitale du Japon entre 710 et 784.
8 Voir « Eléments de Référence pour La Vie d’Oyasama », p.p. 9-10
9 La Vie d’Oyasama, p.8
10 Takano Tomoji, Recueil des œuvres de Takano Tomoji Volume I -Epoques du vivant d’Oyasama高野友治著作集第一巻‐ご存命の頃, 1980, Doyusha, p.p38-76. D’après Takano, le christianisme n’aurait pas existé dans la région de Yamato.
11 Seiichi Moroi, Seibun iin sho正文遺韻抄, p.p25-26
12 Yamochi pense que les épisodes de l’enfance d’Oyasama sont aussi à destiner aux parents de façon à ce qu’ils fassent référence pour nourrir spirituellement leurs enfants. (Yamochi Tatsuzo, Dix discours d’initiation sur la Vie d’Oyasama 教祖伝入門十講, Doyusha, 1984, p47.)
(publié en mai et août 2012 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)