Avant de commencer
Si vous n'avez pas lu le livre de la Vie d'Oyasama, il est difficile de comprendre de quoi je parle ici. Contactez-moi pour vous en procurer. Ces commentaires sur la Vie d'Oyasama ont été succesivement publiés sur papier depuis novembre 2011. Mais je continue la suite ici sur ma page d'internet. Ainsi, tout ce qui est écrit ici est mon interprétation personnelle mais elle est fondée sur la doctrine authentique enseignée au Japon.
I, le sens de ses premiers quarante ans
3. Après le mariage
3.4 Incident de la variole (en 1828, Miki avait alors trente et un ans)
Cet épisode de sacrifice de ses deux filles pour la guérison d’un enfant malade est toujours sur toutes les lèvres quand on parle de sa vie humaine et ce dernier fait couler beaucoup d’encre dans les livres sur la vie d’Oyasama.
Dans son village, une famille qui avait déjà perdu cinq enfants était sur le point de perdre le sixième, faute de lait. Miki l’allaitait à la place de la mère. Mais ce pauvre petit contracta la variole qui était mortelle à l’époque, la vaccination étant beaucoup moins courante(1). L’état du bébé empira au point que le médecin avait perdu tout espoir. Miki alla alors prier cent jours durant au temple pour sa guérison. A travers sa prière, elle offrit à son dieu tutélaire la vie de ses deux filles ainsi que la sienne. Le vœu exaucé, sa deuxième fille décédaen 1830, et sa quatrième fille, née en 1833, mourra en 1835.
Rappelons-nous que Miki était une femme ordinaire et exemplaire(2). Respectueuse de la tradition, fidèle à ses parents, pieuse, croyante et dévouée à son mari, elle était sans douteêtre un modèle pour ses contemporains. Elle était si miséricordieuse qu’elle gardait souvent les enfants dont la mère n’avaitpas de lait, et cette fois-là, elle fit même garder sa petite fille par quelqu’un afin de se consacrer entièrement au soin du nourrisson variolé de jour comme de nuit(3). Mais cela n’empêcha pas certains de se dire : il est absurde de d’offrir ses enfants à Dieu avant même de donner sa propre vie. Qui voulait-elle protéger le plus et à quel prix ? Elle aurait pensé comme la plupart du peuple japonais à l’époque : ce qui compte le plus, c’est la famille, plus que les individus.(4) Il était d’abord hors de question de sacrifier son fils héritier et quant à Miki, elle devait s’en occuper étant donné que ses beaux-parents étaient déjà morts(5). Il ne lui restait alors que ses filles pour sauver le petit garçon. Il ne s’agit bien entendu pas de calcul mais il n’est pas difficile d’imaginer que devant l’enfant mourant de ses malheureux voisins, elle fut amenée à prendre une telle décision, larmes aux yeux.
À la suite de cent jours de prière pieds nus, la deuxième fille appelée Yasu et la quatrième Tsune lui furent enlevées, suivant le vœu qu’elle fit. Oyagami déclara plus tard qu’il avait trouvé cruel de lui enlever la vie de ses deux filles à la fois: il rappela donc à lui la première, la fit renaître sous une autre forme qu'il rappela également à lui et ainsi obtint-il les deux vies qui lui avaient été promises.(6)
Que pouvons-nous en apprendre ? Nous pouvons voir ici la relation entre la volonté divine et le vœu humain. De nos jours encore, les croyants de Tenrikyô pratiquent le kokoro sadame, la résolution du cœur, pour demander à Oyagami sa protection. C’est une déclaration spontanée. Oyagami respecte notre détermination pour parvenir à la réalisation telle quelle du vœux prononcé. Néanmoins, si les épreuves qu’amène la décision sont trop rudes, Oyagami peut atténuer les conséquences de ces vœux lorsque notre sincérité lui est reconnaissable. Pour le cas de Miki, elle avait demandé à ce qu’on lui enlève sa vie si celles de ses deux filles n’étaient pas suffisantes. Mais Oyagami a estimé son fond de cœur sincère et n’a pas ôté sa vie. Quant aux filles, il ne lui en a enlevé finalement qu’une seule. De plus, il a fait naître plus tard une fille qui hérite la même âme que celle des deux filles décédées. Il s’agit de Kokan, cinquième fille et dernier enfant de Miki. Oyagami a donc fait naître trois filles pour une même âme.(7) Oyagami, Parent de l’humanité, accepte sérieusement les vœux et les résolutions de ses enfants, les hommes. Ce que nous demandons se réalise comme demandé. Même si Oyagami, pensant à ses enfants, peut compenser nos déterminations insensées sur le plan réel en fonction de notre état d’esprit et notre sincérité.
Toutefois, d’un point de vue de l’Enseignement de Tenrikyô, le parent n’a pas le droit de traiter ses enfants à sa guise puisque que le corps d’un enfant est aussi un emprunt à Oyagami. Il n’est pas inutile de rappeler que le deuxième Shimbashira trouve l’acte de Miki à l’égard de ses enfants « loin d’être idéal pour un croyant de Tenrikyô(8) ».
Quant à l’enfant sauvé, il meurt à l’âge de 72 ans sans s’être converti au Tenrikyô. On disait parfois qu’il était ingrat parce qu’il n’était pas devenu croyant alors qu’il avait été sauvé par Oyasama. Mais la prescription divine datée du 2 février 1899 (le 2 février de l’année 32 de Meiji) précise bien qu’il ne faut pas parler de la méconnaissance des personnes sauvées car le fait de les accuser comporte une grosse erreur et ce qui se conforme à la volonté divine, c’est le cœur du secoureur. Takano raconte aussi sa vie d’après. Devenu responsable en 1872 de la région de Mishima où habitait Oyasama et se chargeant des fonctions publiques, Adachi aida discrètement Oyasama et la famille Nakayama tantôt financièrement tantôt administrativement et ce avec son oncle et son gendre. Sur le plan religieux, il faisait partie de membres fondateurs de la confrérie Tengen, une des toutes premières fondée en 1875.(9)
1 Hamada Taizo, Tenrikyô- Miki Nakayama, fondatrice vivante天理教‐存命の教祖中山みき, Kodansha, Tokyo, 1985, p.49. Selon Nakayama Yoshikazu, la vaccination a déjà commencé en 1824 à Ezo, actuelle ile de Hokkaido, mais ce fut beaucoup plus tard qu’elle se répand dans tout le Japon après 1870. (Nakayama Yoshikazu, Mon Oyasama 私の教祖, Doyusha, Tenri, 1981, p159.)
2 Nakayama Shozen, Extraits des cours du premier niveau pour le XVIe stage sur la Doctrine第十六回教義講習会第一次講習録抜粋, p.134.
3 Nakayama Yoshikazu, ibidem, p.p158-162. D’après cet auteur, en ce qui concerne le nombre d’enfants que Miki allaita, on pourrait en compter pas moins de quatre. Certains noms sont identifiés.
4 Nakayama Shozen, ibidem, p.134. Yamochi Tatsuzo, 『教祖伝入門十講』 Dix discours d’initiation sur la Vie d’Oyasama, Doyusha, 1984. p.p65-67.
5 Son beau-père est mort en 1820 et décède sa belle-mère quelques jours plus tôt que le bébé ne contracte la variole.
6 La Vie d’Oyasama, p.14
7 Yamochi, ibidem, p.68.
8 Nakayama Shozen, ibidem, p.134.
9 Takano Tomoji, Époques du vivant d’Oyasama ご存命の頃 改修版 上巻, 1971, Doyusha, p.p48-57.
(publié en août 2013 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)