Avant de commencer
Si vous n'avez pas lu le livre de la Vie d'Oyasama, il est difficile de comprendre de quoi je parle ici. Contactez-moi pour vous en procurer. Ces commentaires sur la Vie d'Oyasama ont été succesivement publiés sur papier depuis novembre 2011. Mais je continue la suite ici sur ma page d'internet. Ainsi, tout ce qui est écrit ici est mon interprétation personnelle mais elle est fondée sur la doctrine authentique enseignée au Japon.
I, le sens de ses premiers quarante ans
3. Après le mariage
3.4 Incident de la variole(suite) (en 1828, Miki avait alors trente et un ans)
En effet, les enseignements de Tenrikyô n’étaient pas encore révélés lors de cet incident. C’est-à-dire, si Oyagami a écouté les vœux de Miki pour la guérison de l’enfant malade, ce n’était pas parce qu’ils s’appuyèrent sur les principes de Tenrikyô. Les myriades de bienfaits d’Oyagami existaient depuis la Création du monde, existent toujours et ce, sans faire la distinction des personnes de convictions différentes. C’est une des grandes traditions de Tenrikyô. Ses protections y compris le salut ne se limitent pas à ses croyants. Oyagami embrasse tout le monde sans exception si bien que l’humilité vis-à-vis des autres traditions religieuses prévaut sur toute chose. Chez Tenrikyô la guérison est de temps en temps le synonyme du salut puisque la maladie est liée à l’âme. Du fait que la guérison obtenue par Miki provenait de la grâce d’Oyagami, l’annonce du salut pour tous fut déjà affirmée avant même la Révélation.
Au fait, il reste à savoir quelle attitude elle a montré durant ces dures épreuves. Je n’ai pas trouvé beaucoup de mentions par rapport à son évolution spirituelle pendant les années creuses entre la guérison de l’enfant malade et les décès de ses deux filles. C’était le 13 mai 1828 que naquit l’enfant de son voisin Terunojô Adachi, futur malade. Miki avait déjà donné le jour à sa deuxième fille, Yasu, le 9 septembre 1827 et on dit qu’elle donnait à la fois un sein à Yasu et l’autre à Terunojô(1). Après avoir attrappé la variole, ce dernier et Miki ont mis une année et trois mois avant de parvenir à la guérison(2). Alors en 1830, de concert avec le décès de Yasu, le problème de santé du variolé fut résolu. Trois ans plus tard, en 1833, Miki a mis au monde sa quatrième fille qui décèdera en 1835. On est en droit de se demander si elle sentait la menace constante du décès de sa fille ou de sa propre mort.
D’après un grand maître de Tenrikyô du début du XIXème siècle, toutes les épreuves que subit Miki servirent pour Oyagami à déterminer sa vraie valeur. Or selon lui malgré ces adversités son esprit n’a été nullement ébranlé et elle a fait preuve d’un mérite d’être le Temple de Tsukihi(3). Je crois que ces événements éprouvants ont joué un rôle non négligeable sans être décisif sur sa future divinisation et ces moments successifs et compliqués de cette décennie l’ont confortée considérablement dans sa spiritualité.
Au crépuscule de la Révélation en 1838, Miki était proche du divin. Tout s’est bien déroulé sans empêcher la prédestination de la personne, du lieu et du temps. Mais le peuple qui l’entend vit en fonction de l’évolution de la société ou des événements qui n’étaient probablement pas prédestinés. En 1830 arriva la vague d’Okage mairi, pèlerinage du Retour(4). Ce mouvement ayant « souvent le caractère d’une fuite non préparée » signifie « de toute évidence une volonté populaire de se libérer des contraintes, imposée par la nature féodale de la société aux structures familiales, à la hiérarchie, au système administratif du village(5) ». Autrement dit, le peuple se serait senti enfermé dans une impasse. Comme les pèlerins traversèrent la région de Miki, elle savait sans doute ce que cela avait signifié.
En plus, entre 1833 et 1837(6), le Japon a été touché par la grande famine de Tempô et « dans les périodes de mauvaises récoltes et de famine qui se succédèrent durant Tempô, elle (Miki, ndlr) ne cessa jamais de prodiguer ses bienfaits(7). » Auparavant, elle avait déjà témoigné sa bienveillance envers un voleur ou une mendiante(8) mais son aumône cette fois-là était déployée d’une dimension très importante(9).
Enfin, en 1837, dénonçant les mesures inefficaces du gouvernement face à la famine nationale, une très grave émeute éclata ; elle était dirigée par un ancien gendarme à cheval(10), c’est-à-dire un ancien fonctionnaire. Cela s’est produit à Osaka, non loin de la région où habitaient les Nakayama.
Tout compte fait, le féodalisme japonais était en déclin et il va disparaitre trente ans plus tard après plusieurs centaines d’années d’existence. Le peuple avait besoin de l’assurance non seulement politique mais aussi spirituelle.
Nous avons le droit de nous demander « comment Oyasama réfléchissait, vivait dans de telles circonstances(11)». C’est une question qui n’est pas forcément nécessaire pour suivre la Voie mais qui est intéressante de savoir d’autant plus que c’est une décennie qui précède la Révélation. Un ancien directeur de Tenrikyô (1969 à 1977) regrette que les recherches sur la dernière décennie de Miki humaine soient peu développées, pensant que la vie de cette période était menée par sa spiritualité qui arrivait au sommet de celles des êtres humains(12). Miki parvint bien à un cheveu du sacré à la veille du moment prescrit grâce à son âme et sa conduite de vie. Le Révélation fait le reste.
1 Takano Tomoji, Époques du vivant d’Oyasama ご存命の頃 改修版 上巻, 1971, Doyusha, p.51.
2 Takano Tomoji, idem, p.51.
3 増野鼓雪全集Œuvres complètes de Masuno Kosetsu, tome XIV, p.p.86-87, Tambaichi, 1929.
4 Voir la note 2 de la Quatrième partie de l’Ofudesaki.
5 IWAO Seiichi, IYANAGA Teizô, ISHII Susumu, Dictionnaire historique du Japon, Paris, Maisonneuve et Larose (publié par la Maison Franco-Japonaise de Tokyo), 2002, 2 vol. (2993 p.), article « Okage mairi ».
6 高野友治著作集Recueil des œuvres de Takano Tomoji, Tome I, Époques du vivant d’Oyasama(nouvelle édition) ご存命の頃(新版), Tenri, Doyusha, 1980.
7 La Vie d’Oyasama, p.14.
8 La Vie d’Oyasama, p.p.12-13.
9 Nishiyama Teruo, Près du Modèle ひながたを身近に, Tenri, Doyusha, 1977, p.15.
10 Ibid, article « Oshio no ran ».
11 Takano Tomoji, Époques du vivant d’Oyasama ご存命の頃 改修版 上巻, 1971, Doyusha, p.66.
12 Nakayama Yoshikazu, Mon Oyasama 私の教祖, Tenri, Doyusha, 2006, p.p.186-187.
(publié en novembre 2013 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)