La Vie d'Oyasama selon la vision du temps moderne
Deuxière partie : Révélation

II, La Révélation

3. La résolution du mari Zembei

Les révélations d'Oyagami ont été prononcées à partir du 23 octobre 1838. Mais en lisant les discussions qui eurent lieu jusqu'au 26 octobre, jour de l'acceptation de la demande d'Oyagami de prendre Miki pour son temple, la scène fait légèrement sentir une sorte de menace pour le mari Zembei. Autrement dit, nous pouvons penser qu'Oyagami n'a cessé de lui mettre une pression afin qu'il se soumette au dessein de Dieu. En définitive, il a fini par céder et par la lui donner. En d'autres termes, les descriptions du livre de La Vie d'Oyasama seules ne nous permettent pas d'attester que Dieu et Zembei ont eu de véritables discussions comme le montre la parole de Dieu suivante : «Vous devez faire ce que moi, Dieu originel, je veux. Conformez-vous à ce que je dis. Si vous m'écoutez, je sauverai l'humanité toute entière, sinon j'anéantirai cette maison.»(1)

Cependant, nous pouvons voir dans les chapitres suivants que Zembei n'a pas simplement perdu la force de résister avant de l'accepter mais il a surtout compris l'importance de l'événement au delà des soucis humains et a été convaincu par la volonté divine.

A l'époque, c'était à l'homme de la famille de prendre toutes les décisions et nullement les autres membres tels que la femme. Le chef de famille avait le pouvoir de gérer le couple, les enfants ainsi que toute la famille. Il avait également pour responsabilité de mettre sous contrôle toutes les actions des membres de sa famille ainsi que d'assurer la sécurité de leur vie. En outre, il avait pour obligation de transmettre les traditions religieuses telles que la cérémonie familiale et les tablettes placées sur l'autel des ancêtres appelées Ihai. Son rôle n'est pas seulement de donner à son successeur les héritages matériels et immatériels transmis de génération en génération mais aussi de les rendre plus riche.(2) Ce fut donc à Zembei de se responsabiliser vis-à-vis des événements concernant la famille Nakayama. En ces temps où la rupture des relations familiales était une sanction beaucoup plus grave que ce que l'on peut imaginer de nos jours(3), ce chef de famille a eu une tâche extrêmement lourde de défendre sa famille contre des problèmes causés par les conduites d'Oyasama telle que la destruction de la maison principale. Personne n'aurait critiqué Zembei s'il avait renvoyé Miki à sa famille natale pour justifier tous ces ennuis sous prétexte que c'était elle seule qui était concernée.

Néanmoins, il était le plus sérieux parmi toutes les personnes présentes au moment de la discussion et il avait probablement compris mieux que quiconque la volonté d'Oyagami même s'il ne pouvait sûrement pas tout saisir(4). Il a dû ignorer ce qui allait se produire suite à l'acceptation. L'important pour lui était d'arriver à l'ultime conviction ferme non pas de façon intellectuelle mais par une confiance spirituelle.

En effet, Oyagami aurait pu imposer à Zembei son ordre de faire de Miki son temple mais il a attendu que Zembei soit persuadé de cette nécessité et puisse accepter la demande du fond de son cœur. On peut dire que les deux parties ont respecté la position de chacun. D'un côté, le Dieu-Parent qui n'a rien réalisé sans l'acceptation du mari, et de l'autre, le responsable de la famille qui a mené le combat jusqu'au bout contre les contestations de toute la famille et surtout la lutte contre lui-même de chasser tous ses doutes. C'est pourquoi, une fois résolu, Zembei n'a jamais expulsé Oyasama en dépit de la perte des patrimoines qu'il avait hérité de ses ancêtres. Il était le meilleur partisan d'Oyasama malgré toutes les difficultés qu’il eut à surmonter depuis la révélation d’Oyagami. Il eut besoin d'une détermination exceptionnelle pour écouter les sollicitations insistantes d'Oyagami en vue du Salut universel et repousser les protestations de la tierce personne, alors que le respect envers la famille paternelle était la valeur la plus importante.

Au fait, en comparaison avec le monde contemporain, lorsque quelqu'un conduit une personne à suivre l'Enseignement d'Oyagami — comme le témoigne le cas de Zembei —, nous ne savons pas nécessairement ce qui lui arrivera. Convaincre les personnes ignorantes de Tenrikyô à le suivre n'est pas toujours simple. C'est à ce moment-là que de véritables échanges sont porteurs de sens. Le dialogue spirituel n'est pas uniquement fondé sur les communications verbales. Les paroles aident les hommes à se déterminer mais ce ne sont pas elles qui cautionnent le fruit du dialogue. Nous devons nous regarder dans les yeux au point de prendre la résolution ferme de concrétiser le résultat des discussions. Je suppose que le « parfum » inexplicable dégagé par Oyasama — que l'on ne peut pas facilement percevoir à travers la lecture du livre de La Vie d'Oyasama — a amené son mari à prendre progressivement une telle résolution de manière spirituelle. La parole de Dieu « un jour viendra, dans vingt ans, dans trente ans, où vous serez tous convaincus que j'avais raison(5)» indiquait alors que ce n'est pas la logique mais la confiance totale et réciproque qui nous unira lentement mais sûrement.

Si nous souhaitons que quelqu'un suive la Voie d'Oyagami, ne relâchons pas nos efforts d’avoir de vrais échanges de vues et attendons sans compter le temps que l'autre soit convaincu. Oyagami, Dieu-Parent, nous montra lui-même qu'il lui fallait plus d'un an pour résoudre un homme à l'écouter. Alors, nous, les hommes, ne devons sûrement pas nous presser.

1 Voir La Vie d'Oyasama, chapitre I.
2 Ishizaki Masao dir., 『教祖とその時代-天理教史の周辺を読む』Oyasama et son époque-lire les périphéries de l'histoire de Tenrikyô, contribution de ISHIZAKI Masao, 『教祖在世時代の村の「助け合い」』 « Entraide » des villages à l'époque d'Oyasama, Tenri, Doyusha, 1991, pp. 33-35.
3 Ibidem.
4 Nakayama Yoshikazu, 『私の教祖』Mon Oyasama, Doyusha, Tenri, 1981. p.219.
5 Voir La Vie d'Oyasama, chapitre I.

(publié en août 2014 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)