La Vie d'Oyasama selon la vision du temps moderne

III, Temple de Tsukihi

6, Décès de Zembei, Nioigaké à Osaka et démolition de la maison principale ( Vie d'Oyasama, p.p 20-22.)

En 1853, soit quinze ans après la Révélation, les trois événements suivants, d'une ampleur non négligeable, se succédaient : le décès de Zembei, époux d'Oyasama, la propagation du nom ( nioigake ) d'Oyagami à Osaka par Kokan et la démolition de la maison principale des Nakayama.

Zembei est décédé à l'âge de 66 ans quand Oyasama en avait 56. Maître d’une famille respectée du village, le premier défenseur d'Oyasama était une figure emblématique portant sur ses épaules la tradition en usage chez les Nakayama. Son décès signifiait donc la fin d'une période ancestrale. Sur le plan humain, on pourrait dire que sa vie s’achevait sur un triste échec, eu égard à la perte du prestige familial sous sa responsabilité. Pourtant, sur le plan religieux, son rôle en tant que solide protecteur d'Oyasama aurait facilité les tâches d'Oyagami et sa disparition marque un grand pas vers le Salut universel qui dépasse très largement le cadre traditionnel de la région, demeurant encore très fort chez lui et ses contemporains. Malgré les troubles qu’il manifesta constamment après la Révélation, on voit en lui un homme déterminé à défendre sa femme. S'il n'avait pas été foncièrement convaincu de la volonté divine d'Oyasama, il n'aurait pas pu continuer ni mourir à ses côtés.

Cette année-là, Oyasama avait lancé par la suite deux actions majeures pour autant : la propagation du nom de Dieu à Osaka et la démolition de la maison principale. Loin d'être abattue par le décès de son mari et de vivre en pleur, elle se mit en marche d'un pas allant vers l'avant.

Si ce démontage servit à faire comprendre que la Résidence allait devenir la demeure divine, ses enseignements ne doivent pas s'arrêter à une région délimitée. À ce propos, Kokan, sa fille cadette, était partie à Naniwa (ancien nom d'Osaka) avec trois compagnons pour propager le nom de Tenri-Ô-no-mikoto. Le groupe avait franchi le col Jûsan, raison pour laquelle on commença à effectuer ce pèlerinage traditionnel. Le fait qu'Oyasama avait cherché pour la première fois à se faire connaître en dehors de sa région natale revêt une signification importante : la vocation universelle de Tenrikyô est clairement manifestée. Ses voisins surent à ce moment-là que les enseignements de Tenrikyô ne devaient pas rester locaux et qu’ils étaient porteurs du Salut universel.

Les actes d'Oyasama paraissent parfois extravagants. Le fait qu'elle a fêté la démolition de la maison principale en est un exemple édifiant. Lorsque les ouvriers démontent une maison, les membres de la famille attestent de leur tristesse en raison des souvenirs mémorables qui y sont attachés. Pourtant, lors du démontage, Oyasama en arborant un air joyeux avait ainsi déclaré : « A partir de maintenant, je commence à construire un nouveau monde! Célébrons-le ensemble! ». Les ouvriers, surpris, n'eurent qu'à constater que le démontage de sa maison se passait dans la joie. Cette ambiance bizarrement festive aurait un double sens : exprimant d'abord le début de l'édification d'un monde nouveau et puis la mutation de coutumes anciennes en idées innovantes.

Au lieu de se mettre en deuil, Oyasama s'activait. Ce n'était pas un comportement habituel à son époque. Oyasama a laissé derrière elle toutes les mœurs archaïques pour inciter ses contemporains à s'ouvrir à des inspirations nouvelles. Plus qu'un épisode qui nous parle du courage d’avancer dans la tourmente qu’elle manifeste ainsi, cette série d'événements est un carrefour symbolique dans l'histoire de Tenrikyô. Définitivement épargnée par des soucis culturels ou traditionnels, Oyasama est irrévocablement entrée dans une phase purement religieuse.

Il est évident que la disparition de son mari était un grand tournant qui permettait à Oyasama de sortir du contexte traditionnel et familial. Or, une question demeure encore : pourquoi tout en même temps à ce moment-là ? Oyasama attendait-elle le décès de son mari pour entamer ses chantiers véritables du Salut ? Cette question prend de l'ampleur quand on pense à un autre tournant au niveau national : celui de l'arrivée en 1853 du commandant en chef de la flotte américaine, Perry, sur la côte d'Uraga (actuellement la ville de Yokosuka) afin de demander l'ouverture du pays. Mis sous pression, le Japon est désenchaîné. Dès lors, le pays du soleil levant allait être profondément bouleversé, annonçant la fin de l'époque d’Edo (1867), c'est-à-dire la fin du système féodal où un Japon de nouveau impérial se préparait à renaître après plusieurs siècles passés sous le règne des samouraï. La révolution totale du pays était en vue.

Nous ne sommes aucunement capables de savoir si Oyasama souhaitait associer à ses œuvres les actualités du moment. On ne peut qu’en constater le résultat. Et ce dernier est éloquent : volontaire ou non, tout s'est passé au meilleur moment afin de sceller le passé devenu infructueux et d'ouvrir un futur inédit.


(publié en mai 2016 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)