III, Temple de Tsukihi
7, Obiya yurushi, Don de l’Accouchement aisé (Vie d’Oyasama, p.p 22-24)
En 1854, Oyasama a accordé un premier Obiya yurushi, Don de l’Accouchement aisé. On peut dire que ce fut le premier acte libérateur du mal d’Oyasama.(1) Il est assez révélateur que par la délivrance commencent ses actes prodigieux en vue du Salut universel.
Comme nous l’avions déjà vu, à cette époque-là, les Nakayama étaient au fond du dénuement après avoir mis tous leurs biens en aumône. Forcément, ils n’avaient plus le même poids social qu’avant. C’est dans une telle pauvreté qu’Oyasama avait lancé le tasuke, secours à autrui ou Salut selon Tenrikyô. Néanmoins, un tel dénuement lui convenait pour s’atteler à ses œuvres du Salut dont l’exécution se trouvait jusque-là empêchée par la tradition familiale des Nakayama.
En préambule au premier Don de l’Accouchement aisé, Oyasama laissa un exemple parlant : quand Oyasama avait quarante-quatre ans, c’était en 1841, elle a expérimenté elle-même ce don pendant sa grossesse. Il est déjà surprenant qu’une femme devenue divine soit enceinte d’un homme ordinaire. Il y a beaucoup d’hommes, ayant obtenu une puissance surnaturelle, qui ont une relation avec des femmes. Pourtant, c’est bien une femme sacrée qui attendait un enfant. Ce qui est d’autant plus étonnant, c’est que cette expérience se termina par une fausse couche tardive au septième mois. Évidemment, ce Don de l’Accouchement aisé est accordé aux femmes enceintes pour qu’elles accouchent sans problème. Or, l’essai d’Oyasama donnait un résultat totalement opposé à cet objectif et cette issue négative aurait été mal comprise. L’expérience ainsi achevée, même si nous ne la prenons pas pour un fiasco, que signifie-t-elle alors ? Dans la Vie d’Oyasama, il est écrit comme suit :
Ainsi, même dans un cas de fausse couche où la vie de la femme ne tient qu’à un fil, Oyasama a donné la preuve, par l’exemple de son propre corps, qu’en s’en remettant entièrement à Oyagami, il n’y avait rien à craindre, ni avant ni après.
En péril de sa vie, elle montra en personne que ce don protège la femme du danger lié à la fragilité de l’état de grossesse. Mais je pense qu’il y a encore deux choses à signaler.
D’abord, si elle avait accouché d’un bébé à ce moment-là, cet enfant de Dieu aurait alors semé des troubles. Avec ou sans lui, ce n’aurait plus été le même enseignement car nous aurions été obligés de le traiter comme tel, alors que tous les hommes sont égaux selon l’enseignement d’Oyasama.
Deuxièmement, elle changea l’image de la maternité considérée comme étant quelque chose de sale à l’époque. Il se peut qu’il y eût des calomnies du genre : « Même le Dieu vivant n’est pas épargné par les fausses couches ». Cependant, du fait qu’elle assura plusieurs accouchements aisés plus tard et qu’elle fut ensuite surnommée divinité de l’accouchement, ses voisins auraient pu sentir sa chaleur parentale par le fait qu’Oyasama avait vécu elle-même un tel avortement involontaire. C’était aussi montrer que, quel que soit le dénouement, ce moment émouvant faisait partie intégrante de la protection merveilleuse d’Oyagami. Non seulement le fait qu’une femme a fondé une religion à vocation universelle aurait encouragé les Japonaises contemporaines mais aussi sa fausse couche les soulagent psychologiquement car elles n’ont aucunement à se sentir coupables de ce malheur. Un enseignement tiré de cet événement consiste à faire valoir les femmes en tant qu’être humain mais surtout par sa grossesse, elle a fait changer la vision des hommes sur la grande tâche revenant aux femmes. L’accouchement ou la fausse couche n’est jamais odieux comme le montrait une croyance traditionnelle locale qui faisait écarter les femmes de la vie sociale pendant quelques semaines après l’accouchement. Il est évident que la fausse couche est une fin triste mais ce don nous fait reconnaître non seulement la merveille de la naissance mais aussi la générosité extraordinaire des femmes.
Treize ans plus tard, en 1854, Oyasama accorda le premier Don de l’Accouchement aisé à sa fille Haru pour prouver son efficacité auprès des villageois. Après l’avoir vue réussir son accouchement sans peine, une autre femme demanda tout de suite à Oyasama de lui accorder ce don. Cependant :
Cette femme ne fit pas assez confiance aux paroles d’Oyasama et suivit plutôt de vieilles coutumes comme de s’abstenir de certains aliments ou de s’appuyer contre des coussins, de telle sorte que même trente jours après son accouchement, elle était toujours alitée avec de la fièvre. Interrogée à ce sujet, Oyasama répondit : « C’est parce qu’il y avait le doute en son cœur .» (La Vie d’Oyasama)
La femme pratiquait un mélange de croyances anciennes et de consignes d’Oyasama. Je pense quand même qu’elle comptait sur les paroles d’Oyasama mais, molle dans ses convictions, elle confondait tous ces actes pour se sentir la plus sûre possible.(2) Elle pensait multiplier ainsi les différentes pratiques mais au final, elle les a amoindries par manque de fermeté spirituelle. C’est cela qui est appelé le doute. Il ne consiste peut-être pas ici à douter de ses paroles mais de ne pas avoir de certitude les concernant. Si croire est une question spirituelle, la pratique doit se trouver en correspondance avec la persuasion. L’amalgame et la diversité ne sont évidemment pas la même chose. L’un n’a pas de ligne de conduite tandis que l’autre consiste à assumer son choix. Savoir être convaincu, c’est aussi savoir arriver à la détermination de son choix afin de le mettre en pratique par la suite. C’est ce que cette femme n’avait pas réussi à faire.
1 À cette époque, la mortalité liée à l’accouchement étant très élevée, la maternité était même dangereuse. Yamochi Tatsuzo, 『教祖伝入門十講』 Dix discours d’initiation sur la Vie d’Oyasama, p.118.
2 Ibidem, p.119.
(publié en août 2016 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)