III, Temple de Tsukihi
4, Tentative de chute dans l’étang Miyaike (La Vie d'Oyasama, p.p.19-20)
Oyasama nous a laissé un acte difficile à interpréter : elle a tenté de se jeter à plusieurs reprises dans l’étang situé près de la Résidence ou dans un puits. Mais au moment de passer à l’acte, ses jambes se sont immobilisées et elle entendit en elle la voix d’Oyagami lui dire « Patience, patience ».
Cet épisode est assez problématique car Oyasama, en tant qu'Oyagami lui-même sur la Terre, est sacrée et invulnérable. Mais lisant cette histoire, nous avons l’impression que, fragilisée par la succession des événements qui compromettaient la famille Nakayama, Oyasama présentait encore des aspects tout à fait semblables aux nôtres, les êtres humains.
A l’heure actuelle, l’interprétation de cette anecdote dépend beaucoup de la compréhension du deuxième Shimbashira. Il a affirmé que, même dans cet incident survenu à l’étang Miyaike, il n’y avait aucune pensée humaine et que son acte provenait du cœur du Parent. Selon lui, elle s’est comportée ainsi non pas mue par la souffrance de voir sa famille en péril mais par le souci de juger le cœur des hommes et de mieux les guider.(1)
Or, pour moi, son interprétation est quelque peu discutable. Imaginons la scène. Si elle était allée au bord de l’étang alors qu’elle savait qu’elle ne s’y jetterait jamais, cette simulation l’aurait discréditée irréversiblement. Sa tentative devait être effective et réelle.
J'ai précisé auparavant qu’il me semblait bien qu’il y eût un processus d’adaptation durant quelques années après qu’elle est devenue le Temple de Tsukihi.(2) Ce n’est sûrement pas la maturation d’esprit d’Oyasama, dont l’interprétation est rejetée également par le deuxième Shimbashira, mais un caractère unique chez elle : une universalité prismatique. La lumière se réfracte en fonction de la forme du prisme et cela produit différents effets de lumière. L'Enseignement d'Oyagami, lumière universelle pour tout le monde, se réfracte au mieux en fonction de la vision de ceux qui le voient. Autrement dit, pendant cette période-là Oyasama changeait de visage en permanence selon les circonstances afin que la lumière d’Oyagami illumine les gens de la meilleure des manières. De nos jours, le Modèle prismatique d'Oyasama peut rester immobile car nous savons plus ou moins changer de côté pour mieux interpréter les lumières d'Oyagami. Alors qu'à l'aube de Tenrikyô, les fidèles ne savaient comment regarder le Modèle et c'est Oyasama qui devait montrer la face la mieux éclairée aux hommes. Je qualifie cela de processus d'adaptation.
Vêtue d'un corps humain, parlant une langue, vivant dans une culture, Oyasama subissait un frottement entre le monde divin et le monde humain lorsqu’elle changeait de face de prisme. C'est-à-dire, son existence se serait distordue lorsqu'elle essayait d'enseigner la volonté divine tout en gardant du respect pour le mode de pensée villageois qui n'était pas toujours compatible avec l'Enseignement universel. L'harmonisation entre la Vérité divine et le respect pour les vies des hommes fut un immense défi. Ce travail inestimable pèse énormément sur l'entité d'Oyasama et fait surgir, indépendamment de ses intentions, des incidences comme cette histoire de l’étang Miyaike. Poussée par une succession d’ événements très lourds à porter, son entité se serait propulsée malgré elle au bord de l’étang. Néanmoins son acte d'égarement ne fut évidemment pas somnambulique car pour moi, Oyasama aurait résisté jusqu'au bout au mouvement naturel du corps. Elle n'aurait jamais perdu ses forces spirituelles mais son corps superficiellement humain absorbait toute la pression stressante. Dans ce contexte, il ne me semble pas choquant que, sous une pression inouïe, le corps agisse de façon inexplicablement étrange. Et c'était à force de résister aux marches macabres qu'au dernier moment, Oyasama parvenait à entendre la fameuse voix d'Oyagami. Ce n'était peut-être pas la voix de Dieu extérieur mais celle qui venait des profondeurs intérieures.
Oyasama était comme un joint qui relie les hommes à Oyagami. Elle est étirée dans les deux sens et comme ils doivent garder une tension d'équilibre pour ne pas se rompre, il est évident que c'est le joint qui s'arc-bouta le plus. L’étirement des deux parties était tellement fort que le joint a failli lâcher.
Les dix premières années après la Révélation correspondent à une période où fusionnaient des aspects totalement divins du Temple de Tsukihi et des réminiscences encore vives de Miki Nakayama. Grâce à cet épisode de l'étang Miyaike, les hommes auraient pu régler le décalage d'image et distinguer de mieux en mieux la singularité d'Oyasama de la familiarité pour Miki.
Dans tous les cas, il n'est jamais facile d'interpréter cet acte d'Oyasama. Cet épisode reste instructif pour autant ; c'est une preuve du respect pour la vie humaine et du refus de l'acte suicidaire dans Tenrikyô.
1 Nakayama Shozen, Extraits des cours du premier niveau pour le XVIe stage sur la Doctrine第十六回教義講習会第一次講習録抜粋, p.159
2 TENRIKYO, No 98.
(publié en novembre 2015 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)