La Vie d'Oyasama selon la vision du temps moderne

IV, Depuis qu’Oyasama commença à écrire l’Ofudesaki

1, Mariage de Shuji (La Vie d’Oyasama, Chapitre VI, p.63-67)

En début de l’ère Meiji, Oyasama entreprit des œuvres significatives. Tout d’abord, conformément à la volonté d’Oyagami, elle prit son pinceau pour consigner les paroles divines sous forme de poèmes traditionnels japonais. Ces écrits, appelés plus tard Ofudesaki, furent achevés dans la quinzième année de l'ère Meiji, soit treize ans plus tard. Ce sont les copies les plus authentiques de Tenrikyô car les manuscrits de l'Ofudesaki sont encore conservés.

Dans l’histoire de Tenrikyô, cette production marque une étape importante. Bien plus, c’est un ouvrage qui fait date à lui seul puisque sans lui, nous estimerions mal la dimension du Service aujourd’hui. Si la pratique du Service est un moyen intemporel en vue de la Vie de Joie qui traverse tous les temps, l’Ofudesaki est à la fois un recueil d’idées et un support indispensable qui nous explique combien cet exercice est important. C’est pourquoi Oyagami prit la peine de rappeler pour le pérenniser :

Tout ce que j'avais dit jusqu'alors, vous l'aviez oublié. Voilà pourquoi je l'ai écrit au fil du pinceau. (Osashizu, le 23 août 1904.)

En réalité, ces versets ne sont pas toujours faciles à comprendre. Les formes poétiques de l’Ofudesaki demandent une réflexion qui nous permette d’effectuer un travail basé sur la liberté de pensée. La foi de Tenrikyô ne consiste pas en de la passivité. Nous devons agir, choisir nos actions et décider nous-mêmes. Nous sommes responsables de nos actes. Bien évidemment, cela ne va pas dire que nous avons droit de dénaturer le sens cohérent de l’ouvrage qui suit toutes les dix-sept parties, à savoir l’importance de la réalisation du Service.

En 1869, le fils d’Oyasama Shuji se maria à quarante-neuf ans avec une jeune Matsué âgée de dix-neuf ans. Avant, Shuji avait eu une concubine dont il eut une fille appelée Oshu qui mourut assez jeune. Néanmoins, l’âme de la défunte sera relogée plus tard chez la fille du futur couple nommée Tamaé. Ensuite, Shuji vécut avec une autre femme de laquelle il eut un fils. Mais il ne l’épousa pas non plus. Cette dernière fut renvoyée chez elle avant qu’elle ne décède quelques jours plus tard. Son renvoi et l’accueil d’une jeune fiancée s’opérèrent à l’initiative d’Oyasama. La série de cette histoire, rapportée dans la première partie de l’Ofudesaki, n’est pas un simple fait historique qui passe inaperçu. On dit maintenant que ce mariage concerne la préparation du Salut et le rassemblement des officiants prédestinés. D’après le terme utilisé dans l’Ofudeaki, Oyasama effectua le “nettoyage parfait de la Résidence(I,29)”, autrement dit, elle voulut préparer le lieu dans lequel elle allait réaliser le Salut universel. Les deux femmes précédentes qui se succédèrent ne furent pas celles qui étaient attendues pour se charger d’un rôle spirituel. Or les proches d’Oyasama en comprirent difficilement la raison comme il est dit dans l’Ofudesaki :

« Qu’est-ce qu’il fait là » se diront les gens. Mais Dieu se réjouira de leurs rires. (Ofudesaki, I, 72)

Honnêtement, je comprends qu’il y a des choses prédestinées pour le Service. Mais pourquoi Shuji dut-il épouser la jeune Matsué au point de casser une relation existante qui était plutôt bonne ? Oyasama, n’aurait-elle pas pu les garder tous ensemble ? Le mariage, serait-il lui aussi déterminant ? Selon les livres de Yamochi (p230) et de Matsutani (p18), Shuji et Matsué étaient prédestinés à jouer respectivement au rôle de Tsukiyomi (nord-ouest) et de Taishokuten (nord-est) tandis que leur fille Tamaé dont l’âme est celle d’Oshu s’identifie avec Kumoyomi (est). Cependant, ils ne célébrent jamais ensemble au Service au sens strict du terme. Shuji décéda avant même le lancement de recherches sur les pierres destinées au Kanrodaï. Certes, Oyasama se pressait à enseigner le Service mais vu la longueur du chemin prévue pour sa perfection, il est inimaginable pour moi de penser qu’Oyasama voulait réunir toutes les personnes prédestinées à ce moment-là pour les voir parfaire de son vivant. Alors, pourquoi ce mariage ?

Le Modèle d’Oyasama nous est laissé pour que nous, les hommes, puissions accomplir le Service en vue du Salut du monde. La réalisation du Service ne se fait pas d’un jour à l’autre. Pourtant, Oyasama fut obligée d'enseigner en un temps limité dans un monde temporel et restreint. Pour cela, elle expliqua les différents enseignements en prenant pour exemple les membres de sa famille. Mais tout ce qu’elle explique avec des histoires familiales est empreint d’universalité. Il est dit au sujet de ce mariage :

Joignant la causalité des vies antérieures, je protège. Gage de stabilité pour les générations sans fin. (Ofudesaki, I, 74)

Cet épisode du mariage de Shûji concerne également les générations futures qui suivirent celui-ci. C'est donc un message pour nous. Matsué fut appelée par Oyasama dans la famille Nakayama, ce qui était inattendu et incompréhensible pour ses proches. Or, les fidèles de Tenrikyô d’aujourd’hui que nous sommes, sont-ils capables de faire pareil ? Ne sommes-nous pas trop fermés pour accueillir des personnes aussi lointaines et inespérées au sein de notre communauté alors qu’il est très prétentieux de dire que nous saisissons bien la volonté d’Oyasama ? Il ne faut pas oublier que Tenrikyô est une ouverture, une liberté, une activité non pas une fermeture, une entrave ou une passivité. Peut-être Oyasama voudrait nous le rappeler au travers du mariage arrangé.

Référence
Yamochi Tatsuzo, 『教祖伝入門十講』 Dix discours d’initiation sur la Vie d’Oyasama, Doyusha, 1984, pp.316-319.
Takekazu MATSUTANI, 『ひながたとかぐらづとめ』Modèle et Kagurazutome, Dôyusha.
『おふでさき注釈』Annotations de l’Ofudesaki, Eglise mère de Tenrikyô, 1995, pp.10-17 et 123-124.

(voir l'article publié en février 2019 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)