II, La Révélation

4, La Révélation – Trois Prédestinations

Quelle est l'importance de la Révélation de 1838 ?

Voici les premières paroles prononcées par la bouche d'Oyasama : « Je suis le Dieu originel, Dieu véritable(1). Depuis toujours, cette Résidence était prédestinée et voici que je suis venu du ciel pour sauver l'humanité entière. Donnez-moi Miki pour Temple de Dieu! »

Dans cette déclaration sont révélées les trois « Prédestinations » fondamentales en rapport avec l'Enseignement de Tenrikyô. D'abord, la Prédestination de la Résidence. C'est en ce lieu que l'Homme fut conçu et que tout commença en vue de la réalisation d'un monde de Joie. C'est bien à cet endroit-même que se déroula toute l'histoire de la Création racontée dans le IIIe chapitre de La Doctrine de Tenrikyô. Ensuite, celle de l'Âme d'Oyasama. Miki est née dans un village sans histoires mais elle devait revenir à la Résidence, lieu prédestiné, pour révéler la Vérité car ce rôle ne pouvait être réalisé que par Miki et son âme. Enfin, la Prédétermination du moment de la Révélation. Entre la Révélation et la Création du monde se sont écoulées neuf cent millions quatre-vingt dix neuf mille neuf cent quatre-vingt dix neuf années(2) dont les derniers trois mille neuf cent quatre-vingt dix neuf ans ont été utilisés pour enseigner l’écriture précédés par la formation de l'esprit pendant six mille ans(3). Oyagami, Dieu Parent, s'est manifesté en ce monde en attendant que les hommes gagnent suffisamment en maturité et comprennent au mieux les enseignements qui vont parfois à l'encontre de leurs idées traditionnelles.

Il est capital de reconnaître ces trois Prédestinations pour comprendre Tenrikyô car elles représentent le fondement premier des enseignements.

Le Jiba, point de mire des prières en Tenrikyô, est situé à la Résidence. Le point étant immobile et ineffaçable, jamais il ne peut disparaître et c'est de là que la grâce divine émane grâce au Service qui s'y effectue. « Le Jiba est le lieu auquel a été conféré le nom divin de Tenri-O-no-mikoto »(4) signifie que, quand vous priez Oyagami pour demander ses protections ou pour le remercier après les avoir obtenues, vous portez vos prières à destination du Jiba, alors elles y seront reçues comme telles par Oyagami(5). À ce titre, le Jiba est la demeure éternelle d'Oyasama qui y incarne toutes les fonctions terrestres d'Oyagami.

Quant à la Prédestination de l'Âme d'Oyasama, Miki s'est transformée en « Temple de Tsukihi (Lune-Soleil) » et devenu Oyasama, traduisible en français « Parent vénérable ». C'est le premier visage qu'elle nous donne. Mais il y a encore deux autres aspects importants en elle : Parent du Modèle à suivre et Pérennité existentielle. La compréhension de ces trois positions d'Oyasama est primordiale pour mener une vie pieuse selon Tenrikyô. Étant donné qu'elle représente à la fois divinité et humanité, nous retrouvons en elle sacré et profane. Du côté du sacré, elle est le Modèle à suivre de tous les fidèles pour tous les temps, vu que sa divinité est immuable et universelle. Suivre sa vie nous conduit au sacré, salut spirituel. Du côté du profane, elle, qui vivait au milieu des paysans locaux loin d'être sacrés, établit une relation humaine avec eux. Elle nous montra comment s'adapter à une société gérée par les humains et comment tirer les leçons spirituelles des événements qui se produisent au quotidien.

Du fait que ces trois positions principales d'Oyasama sont établies durant cinquante ans de sa vie sacrée, nous reverrons plus tard ces trois postures après avoir étudié toute sa vie en tant que divinité terrestre bien que son incarnation du Temple de Tsukihi résulte initialement de la Révélation.

Concernant le moment de la Révélation de 1838, il n'est pas facile d'affirmer que les hommes étaient suffisamment matures pour édifier un monde de paix car les guerres et les crimes contre l'humanité se sont multipliés depuis et se multiplient encore. Néanmoins, on peut supposer que le passage du temps moderne à celui contemporain marque une évolution considérable dans la façon humaine de penser. En France, au XIXe siècle, la laïcisation de la société s'accélérait et la mentalité de ces contemporains a été fortement déstabilisée en matière de religiosité. Il y eut une opposition appelée « les deux France(6) ». Pour la religion, il y avait publiquement ses détracteurs d'un côté et ses défenseurs de l'autre et l'insoumission à la religion catholique n'était plus un tabou. Au Japon aussi, avec l'arrivée des Occidentaux, la valeur traditionnelle était en train de s'effondrer. Certes, le changement n'a pas été rapide mais le peuple commençait à aspirer à la liberté qui n'avait jamais appartenu à toutes les classes sociales jusqu'alors. Cette liberté est une idée chère à l'Enseignement de Tenrikyô. Si le moment était propice, la capacité des hommes de mener la lutte pour ce besoin aurait franchi le niveau suffisant à ce moment-là au point d'espérer l'atteindre. Autrement dit, les hommes ont eu besoin de cette longue bataille depuis leur Création pour gagner l'émancipation des pensées des hommes qui leur permettrait de comprendre la vraie volonté du Dieu Parent. Or, pourquoi le Dieu Parent ne leur a-t-il pas donné cette liberté lors de la Création ? En effet, il l'a bien donnée au moment de la conception comme l'annonce clairement une prescription divine : « Le corps de l'homme est un prêt de Dieu ou un emprunt à Dieu. Mais son cœur lui appartient en propre. » ( Osashizu, le 1er juin 1889 ) Autant dire que c'est l'immaturité des hommes qui détermina la durée d'attente aussi astronomique entre la Création et la Révélation afin de gagner la maturation d'esprit suffisante qui leur permettait de bien comprendre la valeur de cette liberté du cœur et que Dieu, de son côté, avait prévu qu'ils peineraient autant.

Dans l'histoire des êtres humains, les tragédies que les hommes subirent étaient multiples mais ils étaient obligés de vivre ces innombrables drames pour progresser. S'il n'y a qu'une vie, il y aurait eu des morts inutiles. Pourtant, l'enseignement de la « perpétuité de l'âme » nous permet de refaire notre vie dans un monde différent et passer par plusieurs vies pour grandir. L'an 1838 est bien tardif par rapport à d'autres religions plus anciennes mais ce n'est jamais tard compte tenu de la réalité du monde.

1 Avant la première édition de la Doctrine de Tenrikyô, circulait la parole suivante comme premier mot prononcé par Oyagami : « Je suis le Shogun du Ciel (Seigneur céleste) ». Néanmoins, d'après les recherches menées par le deuxième Shimbashira en vue de la rédaction de la Doctrine, les chercheurs ont conclu que cette expression n'était plus fiable et ont opté pour la formule actuelle basée sur les documents plus sûrs. (NAKAYAMA Shozen, 天理教教典講義Conférence sur la Doctrine de Tenrikyo, Tenri, 1949, p.32)
2 La Doctrine de Tenrikyô, Chapitre III.
3 La formation de l'esprit signifie qu'Oyagami donna aux hommes les capacités intellectuelles pour survivre.
4 La Doctrine de Tenrikyô, Chapitre IV.
5 MOROI Keiichiro, 天理教教理大要Synthèse de la Doctrine de Tenrikyô, Tenri Kyoko, 1988, p.123.
6 ..La métaphore du « conflit des deux France » se réfère à deux minorités actives, plutôt des mouvances (« cléricale » et « anticléricale ») que des courants structurés. Elles … proposent deux visions divergentes : la France « fille aînée de l'Eglise » (catholique) ; la France moderne, fille de la Déclaration des droits de 1789.... (BEAUBEROT Jean, Histoire de la laïcité en France, Paris, PUF, 2000, p.28.)

(publié en novembre 2014 au bulletin trimestriel de Tenrikyô)